locations airbnb : et si le constat internet d’infraction constituait le talon d’achille des procédures engagées par la ville de paris ?



La légalité du constat d'infraction de la Ville de Paris à l'appui des assignations dirigées contre les propriétaires

Locations AIRBNB : Et si le constat internet d’infraction constituait le talon d’Achille des procédures engagées par la Ville de Paris ?


Les constats dressés par les agents de la mairie de Paris dans le cadre de leur dossier d’infraction s’appuient sur des captures d’écrans des annonces litigieuses. Cependant, la réalisation de ces preuves informatiques est loin de suivre les exigences techniques assurant la force probatoire des constats dressés par les huissiers de justice. Face à ce manque de formalisme, on pourrait prendre le parti de considérer que la fiabilité de la preuve est contestable et dès lors fragiliser l’ensemble du constat d’infraction et les centaines d’assignations de la Ville de Paris pendantes devant le Tribunal. Éléments d’analyses.


Depuis 2017, la mairie de Paris s’est dotée d’un arsenal juridique visant à encadrer la location des meublés touristiques. Ce marché est en pleine expansion dans la capitale, le site Inside Airbnb dénombre dans ses derniers chiffres de décembre 2018 presque 60 000 offres de locations meublées de courte durée disponibles sur la plateforme.


Afin d’assurer l’efficacité de la réglementation, la Ville de Paris mène depuis plusieurs années une politique de poursuite systématique des contrevenants à la réglementation des locations meublées touristiques.


A cet effet, des pouvoirs ont été confiés par la mairie de Paris à une équipe d’une trentaine d’agents assermentés afin de constater les éventuelles infractions. En effet, toute procédure de la Ville de Paris est précédée de la réalisation d’un constat d’infraction dans le cadre d’une enquête de contrôle.


Cette enquête se matérialise par la réception par le propriétaire du logement incriminé d’un courrier de la Ville de Paris. L’expérience de mon cabinet démontre qu’avant d’envoyer ce courrier, l’agent assermenté a systématiquement réalisé les captures d’écran de l’annonce, des commentaires des clients, du prix des nuitées afin de caractériser l’infraction et d’appuyer son constat.


Ces constats d’infraction s’apparentent à ceux réalisés par les huissiers de justice.


Or, les constats d’huissier de justice sur internet doivent répondre à un certain nombre de règles techniques destinées à garantir la fiabilité du constat et à lui assurer sa force probatoire.


Par conséquent, on pourrait contester la force probante des constats d’infraction des agents assermentés de la ville de Paris sur le fondement des diligences nécessaires à l’élaboration d’un constat d’huissier sur internet.


Il convient de rappeler les règles jurisprudentielles et normatives du constat d’huissier sur internet (I) afin d’envisager une transposition de ces règles aux constats d’infraction des agents assermentés de la ville de Paris (II).


I - Les règles relatives au mode opératoire du constat d’huissier sur internet


Outre l’article 648 du Code de Procédure Civile, aucun texte de loi ne régit les constats internet. L’huissier de justice doit donc se borner à décrire dans son procès-verbal les constatations matérielles qu’il a réalisées et recevoir les déclarations spontanées des parties.

Cependant, dès 2003 à la suite de nombreuses annulations de constat informatique, la jurisprudence a posé des prérequis techniques que doit satisfaire l’huissier à l’occasion d’un constat sur Internet : mention de l’adresse IP, description précise du système d’exploitation utilisé, désactivation des proxy, effacement des caches (TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 4 mars 2003, JurisData n° 2003-220355)
Plusieurs décisions de cour d’appel ont repris ces diligences techniques en vue de l’élaboration de ce type de constat créant ainsi un courant jurisprudentiel clairement établi. Une décision rendue par la Cour d’Appel de Paris le 2 juillet 2010 a même considéré qu’aucun caractère probant ne peut être attaché à des impressions d’écran réalisées dans des conditions ignorées (CA Paris, pôle 5, 2ème ch., 2 juillet 2010, n°09/12757).


Parallèlement, une norme AFNOR NF Z67-147 de septembre 2010 sur le « Mode opératoire des procès-verbaux de constat sur internet réalisés par huissier de justice » a été élaborée.
Cependant, la jurisprudence a confirmé que cette norme constituait seulement « un recueil des bonnes pratiques en la matière » et qu’elle ne possédait donc pas de caractère obligatoire (CA Paris, 27 févr. 2013, n° 11/11785).

Pourtant, la Cour d’Appel d’Aix en Provence, par un arrêt du 15 septembre 2016 a jugé le contraire : un constat sur internet « ne peut être effectué par un huissier de Justice qu’à la condition de respecter la norme NF Z67-147 de septembre 2010 ».

Par un autre arrêt rendu 12 janvier 2016, la Cour d’Appel de Paris est venue décrire précisément les actions indispensables de l’huissier avant d’effectuer un constat internet :

décrire le matériel informatique utilisé,
le système d’exploitation,
le navigateur Internet,
l’architecture du réseau local (absence de connexion à un serveur Proxy, serveurs DNS utilisés, adresse IP, pare-feu) ainsi que les éléments relatifs au fournisseur d’accès à Internet ;


Il doit, préalablement à la connexion, préciser :
* -    le paramétrage de définition de l’écran,
* -    synchroniser la date et l’horloge de l’ordinateur
* -    supprimer les fichiers temporaires stockés sur celui-ci, les mémoires caches, l’historique de navigation et les cookies,
* -    paramétrer les fichiers temporaires et l’historique pour que le navigateur vérifie, le cas échéant, que la version de la page la plus récente soit affichée ;


Il doit enfin décrire, répertorier et enregistrer le contenu de ses constatations et, à la fin de son constat, procéder à la capture des informations sur la cible.


Un arrêt très récent rendu 8 janvier 2019 a d’ailleurs repris ces éléments et considérer que « faute de respect des impératifs techniques indispensables, l’authenticité des propos enregistrés par l’huissier ne peut être tenue pour certaine ».


Ces très nombreuses exigences et la rigueur avec laquelle la jurisprudence s’attache à les faire respecter démontrent leur valeur afin de garantir la force probante des constats d’huissiers.


Dès lors, il semble particulièrement opportun d’envisager une transposition de ces exigences aux constats d’infraction réalisés sur internet par les agents assermentés de la ville de Paris. En effet, en l’absence d’un tel formalisme, la fiabilité des captures d’écran d’annonces de location litigieuses sur internet apparaît nettement plus contestable.

II - Une transposition opportune des diligences techniques des constats d’huissiers sur internet aux constats d’infraction effectués par les agents assermentés de la ville de Paris


Tout comme les huissiers de justice, les agents assermentés de la ville de Paris réalisent des constats sur internet afin de compiler des éléments de preuves permettant de caractériser une infraction à la règlementation des locations meublées touristiques.


A la différence des huissiers de justice, les agents de la municipalité utilisent un mode opératoire nettement moins contraignant. En effet, aucunes dispositions dans l’agrément d’assermentation ne semblent encadrer ces constats. L’agent assermenté indique simplement « saisir l’URL suivant dans la barre d’adresse du navigateur » et « procéder aux captures d’écran de l’intégralité de l’annonce » de laquelle il constate les caractéristiques essentielles : nom de l’hôte, nombre de commentaires et de photos en ligne, prix de la location et la simple mention « toujours active à la date de rédaction du constat ».


La mise en comparaison d’un tel constat avec un constat internet réalisé par huissier de justice est particulièrement saisissante. La constatation de l’annonce de location litigieuse sur la plateforme informatique tient en une petite dizaine de lignes la ou le constat d’huissier en dénombre facilement une vingtaine…


Le constat réalisé par huissier fait preuve d’une description extrêmement minutieuse, décomposant la le procédé clic par clic avec le code source de chacune des pages. Mais surtout, le constat d’huissier détaille l’ensemble des travaux préparatoires : l’identification du poste de travail, la configuration de l’ordinateur et de la carte réseau, la purge et le paramétrage du navigateur avec à l’appui de tous ces éléments les pièces et captures d’écrans correspondantes.


L’ensemble de ces précisions pourraient sembler superflue mais c’est pourtant ce qui garanti la véracité des contenus constatés sur internet et qui forge par la même la crédibilité du constat d’infraction. Cette garantie est d’autant plus essentielle que cette mise en relation relative aux locations meublées touristiques repose entièrement sur ces plateformes en ligne et ce rapport informatique dématérialisé.
Par conséquent, il convient de prendre toutes les précautions afin d’éviter les risques d’erreurs inhérents à la technologie de l’internet. En effet, la dimension technologique a aussi ces travers et il est primordial de s’assurer que les contenus ne sont pas modifiés, falsifiés, antidatés ou postdatés.


On pourrait en ce sens dresser un parallèle intéressant avec la remise en cause de la fiabilité des procès-verbaux réalisés par des radars sur les routes. Dans un arrêt rendu par le 8 mars 2016, la Cour de cassation a ouvert la possibilité de remettre en cause les mesures de vitesse relevées par l’appareil de contrôle automatique. Cette jurisprudence prend en compte le fait que plusieurs éléments peuvent perturber un relevé de vitesse, que des éléments extérieurs peuvent justifier un dysfonctionnement et que les modalités techniques de fonctionnement de radar doivent être connues et prises en compte. Ainsi la machine n’a pas toujours raison et il peut être intéressant d’envisager que de nombreux paramètres, peuvent, de manière similaire altérés les contenus visibles sur internet et nuire à leur fiabilité.


Le Tribunal de grande instance de Paris a t il déjà été saisi de la question de la valeur probante de ces constats effectués par les agents assermentés ?


Oui, dans une affaire portant sur un propriétaire assigné par la Ville de Paris pour ses locations airbnb, ce premier a opposé au Tribunal la valeur probante ce constat internet considérant qu’il ne respectait pas le formalisme demandé à l’huissier.


Par un jugement du 11 juin 2018 (RG n°18/52514), le Tribunal a considéré de façon lacunaire que l’agent assermenté n’était pas soumis au même protocole que celui attendu par l’huissier de justice. Le Tribunal a également considéré que ce constat de l’agent n’avait pas de valeur probatoire particulière et devait être pris en compte parmi d’autres éléments de preuve pour les faits qui lui sont soumis.


Or, cette solution du Tribunal pourrait être considérée comme non satisfaisante. Comment peut-on considérer qu’un tel constat n’a pas de valeur probatoire particulière alors qu’il sert de base fondamentale pour la Ville (et donc le Tribunal) pour démontrer la matérialité d’une infraction et solliciter la condamnation à une amende civile pouvant atteindre 50.000 euros ?


Doit-on rappeler qu’en l’absence d’annonce internet de type AIRBNB, les agents assermentés de la Ville de Paris ne sont pas en capacité de commencer leur enquête et donc d’initier une procédure judiciaire ?


Par ailleurs, dans la décision précitée du Tribunal du 11 juin 2018, le Tribunal poursuit sa démonstration en indiquant que la force probatoire du constat de l’agent ne se pose pas dans cette affaire dans la mesure où le propriétaire avait communiqué l’intégralité de ses réservations airbnb à l’agent assermenté et reconnu l’infraction.

A contrario, la fiabilité du constat internet d’infraction pourrait éventuellement se poser pour les propriétaires qui souhaiteraient contester la réalité de leur infraction.

A toutes fins utiles, et compte tenu des nombreux débats portés par la réglementation airbnb, cette réflexion inédite pourrait avoir le mérite d'être discutée devant le Tribunal dans le cadre de prochains débats.

Pour conclure, une transposition des exigences techniques des constats d’huissier réalisés sur internet aux constats d’infraction dressés par les agents assermentés de la mairie de Paris apparaît particulièrement opportune. En effet, la faiblesse du formalisme des constats des agents assermentés fait peser sur le modèle actuel un risque fort de contestation devant les tribunaux.


L’amende encoure pour infraction à la règlementation en matière de location meublée saisonnière de type Airbnb peut atteindre 50.000 euros. Il apparaît donc indispensable, au nom de la sécurité et de légalité juridique, de fonder ces constats d’infraction sur des éléments probatoires dont l’authenticité ne peut être contester aussi facilement. A défaut, c’est l’ensemble du constat d’infraction qui pourrait être fragilisé voire annulé.





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