locations illégales sur airbnb : le gel des procédures en 2019



Tout comprendre sur le gel des procédures en 2019 dans l’attente de la position de la Cour de l’union européenne.

Alors que la Ville de Paris vient tout juste de se réjouir dans la presse de son bilan judiciaire pour l’année 2018 et renforcer son dispositif réglementaire pour lutter contre les très nombreux logements ne respectant pas la réglementation des locations meublées touristiques, la Cour de cassation est venue donner un véritable coup d’arrêt à l’instruction par les tribunaux des procédures en cours et à venir pour l’année 2019. 

Saisie d’une question préjudicielle par un arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2018 (RG n° 17-26.158), la Cour de l’union européenne est appelée à statuer sur la conformité de l’article L.631-7 du Code de la construction, pierre angulaire de l’encadrement de la réglementation des locations meublées touristiques, avec les dispositions de la directive européenne service 2006/123/CE. 

Cette question préjudicielle (I) emporte des conséquences importantes, tant pour les procédures en cours devant les tribunaux (II & III), que pour les locations meublées en cours en infraction (IV) mais encore pour l’avenir juridique de l’activité de location meublée touristique en France (V)

I –Comprendre en 3 points clés la question préjudicielle posée par la Cour de cassation à la Cour de l’union européenne. 

La Cour de justice répond non pas par un simple avis, mais par un arrêt ou une ordonnance motivée. La juridiction nationale destinataire est liée par l'interprétation donnée quand elle tranche le litige pendant devant elle.

La cour de l’union européenne a été saisie de la régularité de l’article L.631-7 du Code de la construction au regard de la directive 2006/123/CE dite directive services.  

De façon synthétique et compréhensible par le plus grand nombre, la question préjudicielle dont est saisie la Cour de l’union européenne peut se résumer en 3 points clés :

1 – La location meublée touristique encadrée par l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation entre-t-elle dans le champ de la directive services ?

L’intérêt de cette question est de savoir si ce type de location peut bénéficier du régime spécifique encadré par cette directive dont le principe directeur est la liberté d’établissement des prestataires et l’absence d’entrave de l’état sauf exceptions ou raisons impérieuses.

2 - Si ce type de location meublée touristique entre dans le champ de la directive services, le régime d’autorisation de l’activité de location meublée prévu par l’article L.631-7 du Code de la construction, est-il conforme au principe selon lequel, sauf exception ou raison impérieuse, l’état ne peut entraver la liberté d’établissement de prestation de services que pourrait constituer les locations meublées touristiques ?

3 - Par ailleurs, la Cour de cassation interroge la Cour de l’union européenne sur la validité du texte de l’article L.631-7 du CCH au regard des critères très précis fixés par la directive quant à la rédaction du régime d’autorisation afin d’éviter toute limitation arbitraire de l’état. 

En ce sens, la directive européenne prévoit que les régimes d’autorisation fixés par les états doivent être clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance mais encore transparents et accessibles.

Or, l’article L.631-7 du Code de la construction comporte une rédaction qui pourrait être contraire à ces critères fixés par la directive (NB : le texte de l’article L.631-7 évoquerait des termes imprécis comme « de manière répétée » ou encore « courte durée » ou « clientèle de passage ».

Telles sont en substance les questions soulevées dans le domaine des locations meublées de courte durée, sur lesquelles la Cour de justice de l’Union européenne va prochainement être amenée à se prononcer.

Dans cette attente, la Cour de cassation a sursis à statuer son arrêt au 10 décembre 2019 dans l’attente de la position de la Cour de l’union européenne attendue à cette date. 

Concrètement, la Cour de cassation attend la position de la Cour de l’union européenne pour rendre son arrêt relatif aux questions d’application et de validité de l’article L.631-7 du Code de la construction. 

II – Quelles sont les conséquences immédiates de cette question préjudicielle sur les procédures initiées par la Ville de Paris à l’encontre des contrevenants à la réglementation des locations meublées touristiques devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ?

Conséquence directe et immédiate de cet arrêt de la Cour de cassation portant sursis à statuer, le Tribunal de Grande instance de Paris sursoit également à statuer, dans l’attente de l’arrêt de la Cour de l’union européenne, toutes les affaires dont il venait d’être saisi par la Ville de Paris au titre des manquements des propriétaires ne respectant pas la réglementation des locations meublées touristiques (locations supérieures à 120 jours en résidence principale ou encore locations prohibées en résidence secondaire).

En effet, et pour une illustration, le Tribunal de Grande Instance a, dans une affaire du 17 janvier 2019 largement relayé dans la presse, prononcé le sursis à statuer dans l’attente de la Cour de l’union européenne.

Cette décision n’est pas inédite, le Tribunal a déjà prononcé à plusieurs reprises le sursis à statuer d’affaires qui devaient être plaidées contre la Ville de Paris.

Pour une illustration, dans une affaire similaire au jugement rendu le 17 janvier 2019 et alors que le délibéré était attendu pour le 17 janvier 2019, le Tribunal a prononcé une réouverture des débats au 14 février 2019, pour le motif suivant :

« Soulever d’office le sursis à statuer dans l’attente du résultat de la question préjudicielle posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne (sinon rupture d’égalité). »

Il est intéressant de noter dans cette réouverture des débats que le Juge indique le risque de rupture d’égalité à juger aujourd’hui un prétendu contrevenant à la réglementation alors même que la légalité de l’article L.631-7 reste suspendu à l’avis de la Cour de l’union européenne.

La position de la Cour de l’union européenne, la position de la Cour de cassation ne devrait pas être connue au mieux avant le 10 décembre 2019. 

3 conséquences :

  1.  Le texte de l’article L.631-7 est considéré comme conforme par la Cour de cassation

    Si la Cour de l’union européenne valide la régularité du texte français et que la Cour de cassation suit sa position, les contrevenants à la réglementation des locations meublées touristiques auront gagné au moins un an sans devoir supporter un procès et une amende prononcée par les tribunaux au cours de l’année 2019.

  2. Le texte de l’article L.631-7 est déclarée non conforme avec le texte de la directive européenne.

    Si, la Cour de l’union européenne estime que la France viole les principes de la directive européenne et la Cour de cassation en tirera toutes les conséquences. 

    Dans ce contexte, les avocats qui représentent les personnes assignées devant le Tribunal par la Mairie de Paris ne manqueront pas de tirer les conséquences ces irrégularités relevées par la Cour de cassation et la Cour de l’union européenne au profit de leurs clients afin que ces derniers échappent à toute amende.

  3. Sur un plan procédural, le risque d’engorgement du Tribunal de Grande instance


En prononçant le sursis à statuer de toutes les assignations de la Ville de Paris, le Tribunal de Grande Instance de Paris devrait accumuler de très nombreuses affaires qui ne seront réactivées qu’une fois connue la décision rendue par la Cour de cassation en décembre 2019 au plus tôt. 

Comment le Tribunal et peut être la Cour d’appel de Paris vont-t-elles pouvoir réguler ces affaires qui ne devraient pas être jugées avant 2020 ? 


III - Toutes les assignations de la Ville de Paris dirigées contre les contrevenants à la réglementation AIRBNB devant le Tribunal ou la Cour d’appel de Paris vont-elles nécessairement faire l’objet d’un sursis à statuer ?


Attention, contrairement à ce qui a pu être relayé précipitamment par les commentateurs de la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 17 janvier 2019 prononçant un sursis à statuer, aucune position claire et unanime du Tribunal de Grande Instance de Paris n’est encore connue des praticiens du droit de la location meublée touristique sur la question de ces renvois systématiques. 

A ce jour, on ne peut affirmer avec certitude que tous les magistrats du Tribunal de Grande Instance vont suivre ce mouvement consistant à sursoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de l’union européenne. 

Pourtant, les avocats saisis de ces questions pour le compte de clients assignés par la Ville de Paris soulèvent systématiquement cette demande de sursis à statuer avant toute défense au fond. 

Par sécurité, les avocats des contrevenants continuent de préparer la défense de leurs clients dans l’hypothèse ou le juge saisi du dossier refuserait ce sursis à statuer.

Plusieurs décisions sont attendues, tant par le Tribunal de Grande Instance de PARIS que la Cour d’appel au mois de février 2019. 

A cette échéance de février, il sera plus sérieux de préciser si ce mouvement de renvoi constitue la jurisprudence constante du Tribunal et de la Cour d’appel de Paris. 
Cela fera l’objet d’une actualisation de cet article. 

De la même façon, il est prévisible que les Tribunaux des grandes villes de France soumises à cette réglementation s’alignent sur cette solution juridique prudente d’attente. 

Les propriétaires assignés peuvent donc, par l’intermédiaire de leur avocat, solliciter ce sursis à statuer devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et ainsi préparer utilement leur défense en prévision des enseignements de l’arrêt à venir. 


IV - Pour les locations meublées touristiques en infraction qui ne font pas (encore) l’objet de poursuites de la Ville de Paris, quelles sont les conséquences de cette suspension des procédures en cours ? 


Contrairement à ce qui a pu être indiqué à tort, cette suspension des procédures ne signifie pas que le texte de l’article L.631-7 du Code de la construction est irrégulier et donc inapplicable. 

Cette question sera précisément tranchée par la Cour de l’union européenne et la Cour de cassation à la fin de l’année 2019 ou au plus tard au début de l’année 2020.

Dans cette attente, le texte demeure valide et la Ville de Paris demeure fondée à poursuivre ses constats d’infraction et la mise en œuvre des assignations contre les fraudeurs à la réglementation de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation. 

La Ville de Paris n’a aucun intérêt à geler la mise en œuvre des procédure même si ces dernières ne peuvent être instruites pour le moment par les tribunaux, ne serait-ce que pour conserver le bénéfice des infractions constatées si le texte devait être qualifié de valide par la Cour de l’union européenne.

Aussi, et comme annoncé dans la presse par l’intermédiaire de IAN BROSSAT, maire adjoint chargé du logement, la Ville de Paris ne devrait pas ralentir la rédaction des assignations dirigées contre les contrevenants supposés à la réglementation des locations meublées touristiques, ne serait-ce que pour faire constater en justice à titre conservatoire ces infractions qui jusqu’à preuve d’une décision contraire, restent soumises à un texte toujours en vigueur.  

Par conséquent, contrairement à ce qui est indiqué à tort, ce sursis à statuer ne rend pas sans objet l’article L.631-7 du Code de la construction. Ce dernier reste en vigueur dans l’attente  d’une décision contraire qui sera connue en fin d’année 2019.   


V – Quelles seraient les conséquences d’une censure par la Cour de l’union européenne du texte de l’article L.631-7 du Code de la construction encadrant les locations meublées touristiques ?


Si le texte de l’article L.631-7 devait souffrir d’une contestation reconnue par la Cour de l’union européenne et la Cour de cassation, on peut supposer que les conséquences pourraient être nombreuses, à commencer par : 

  • La suspension des amendes concernant les locations saisonnières à Paris,

  • La remise en question du statut d’Airbnb et des plates-formes similaires qui pourraient profiter d’un vide juridique pour étendre leur activité en France,

  • La non exigibilité d’un changement d’usage des locaux ;

  • La possibilité de louer son logement plus de 120 jours par an sans aucune restriction.

En établissant un parallèle avec l’annulation par le Tribunal administratif de Paris du plafonnement des loyers, on pourrait imaginer une décision de la Cour de cassation contestant la validité de l’article L.631-7 du Code de la construction encadrant les locations meublées touristiques et les amendes afférentes ouvrant ainsi la voie à un véritable permis offert aux propriétaires de louer leur logement en meublée touristique sans que les contours des restrictions ne soient clairement définies. 

De même, il conviendrait de s’interroger pour les contrevenants déjà condamnés par des décisions judiciaires et leur droit à être indemnisés ? 

Une intervention du législateur serait alors attendue pour régulariser les enseignements de l’arrêt de la Cour de cassation.

Mais a l’instar de l’encadrement des loyers qui devrait être rétabli prochainement en suite de l’intervention du législateur, un flou juridique pourrait être connu et les amendes sollicitées par la Ville de Paris pourraient être compromises devant les Tribunaux. 

Ainsi, si le texte de l’article L.631-7 ne devait souffrir d’aucune contestation majeure par la Cour de l’union européenne et la Cour de cassation, la Ville de Paris pourrait faire reconnaître devant les tribunaux les infractions constatées au cours de l’année 2019.

En conclusion, que la décision attendue par la Cour de cassation révolutionne ou non l’interprétation donnée à l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation, les propriétaires utilisant les plates-formes de type AIRBNB devront nécessairement en tirer toutes les conséquences par un conseil juridique adapté à la solution attendue.


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