copropriété : la cour de cassation confirmerait l’incompatibilité de l’activité de meublé touristique avec la destination bourgeoise de l’immeuble.



Analyse et tempéraments de cet arrêt non publié au bulletin


Cette réflexion inédite et propre au Cabinet DEMEUZOY AVOCATS s’inscrit dans la continuité d’analyses détaillées du Cabinet sur la réglementation airbnb en copropriété que vous pouvez retrouver dans cet article ou celui-ci  mais encore dans l' ouvrage de l'auteur sur la question.


La problématique des locations de type airbnb en copropriété continue de faire couler de l’encre. En effet, un arrêt du 27 février 2020 de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (RG n°18-14.305) vient préciser la question de la compatibilité de l’activité avec la destination bourgeoise d’un immeuble en copropriété. Si la Cour confirme fermement son point de vue relatif à l’activité de location meublée touristique en copropriété, certains éléments restent néanmoins intéressants à soulever et nuancer compte tenu du caractère spécifique de l'affaire jugée.


Enjeux de cette jurisprudence :

De nombreux immeubles en copropriété dans toute la France contenant une clause d’habitation bourgeoise pourraient être tentés d'invoquer cette position de la Cour de cassation pour contraindre des propriétaires dans l’immeuble de cesser leur activité de meublé touristique de type airbnb. Mais la prudence reste de mise.


Résumé de l’affaire

Dans cette affaire, un ensemble de copropriétaires assigne le syndicat des copropriétaires et l’un des propriétaires exerçant de façon massive (39 appartements sur les 60 de l'immeuble !) une activité de location meublée touristique aux fins d’interdiction de l’activité de meublé touristique. La Cour d’appel confirme l’interdiction de l’activité en application de la clause bourgeoise présente au règlement de copropriété. Le défendeur se pourvoit alors en cassation, mais son pourvoi sera finalement rejeté pour les raisons suivantes.


La location meublées touristique de type airbnb : une activité définitivement commerciale ?

A l'instar de son  arrêt du 8 mars 2018, et par un arrêt du 27 février 2020,  les Juges du quai de l’horloge ont retenu à nouveau l'aspect commercial de l’activité de location meublée touristique.

Cela signifie qu’une telle activité est uniquement compatible avec une destination commerciale du local dans lequel elle est exercée. Pourtant il convient de rester prudent avec cet arrêt car il s'agit d'un arrêt d'espèce non publié au bulletin.

De plus, les circonstances de l'espèce sont exceptionnelles : le propriétaire louait près de 40 logements sur les 60 lots de l'immeuble !! Le juge était face à une situation se rapprochant d'une situation proche d'un hôtel en gestion !

Cette notion de commercialité de l’activité est d’ailleurs confirmée par l’arrêt du 27 février : « ayant constaté que la société [...] se livrait à une activité commerciale de location à la journée ou à la semaine d'appartements et de studios ».


Une telle clause restreint nécessairement les droits des propriétaires quant à la libre jouissance de leur lot privatif.

Or, selon l’article 8 de la loi sur la copropriété[1], « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

Ainsi, une clause bourgeoise sera généralement justifiée dans un immeuble à destination exclusivement bourgeoise, c’est-à-dire composée de lots à usage d’habitation.

L’interdiction d’activité commerciale est ici compréhensible étant donné la volonté de conserver le caractère bourgeois de l’immeuble. Cette clause ne restreint pas uniquement les locations saisonnières, mais toute activité commerciale (restaurant, boutique, etc.)

En l’espèce, la Cour de cassation rappelle d’abord que l’appréciation de la destination par les juges du fond est une appréciation souveraine, qui se fonde sur la lecture du règlement de copropriété et sur les caractéristiques de l’immeuble.

Cet aspect est très important car cela signifie que chaque situation et chaque règlement de copropriété doivent s'apprécier au cas par cas.


Dans l'affaire qui nous interesse ayant donné lieu à l'arrêt commenté du 27 février 2020, la copropriété devait faire face à 40 lots en locations meublées touristiques sur les 60 lots composant l'immeuble.

Elle retient dans cette affaire une destination exclusivement bourgeoise de l’immeuble (« réservait les bâtiments à l'usage exclusif d'habitation ») et considère alors que la restriction des droits des propriétaires, matérialisée par la clause d’habitation bourgeoise, est justifiée par la destination exclusivement bourgeoise de l’immeuble.

Elle écarte ainsi l’ensemble des moyens du pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel.

Cette décision confirmerait par ailleurs l’arrêt de la Cour de cassation rendu en 2018[1], qui disposait qu'il : « il résultait des stipulations du règlement de copropriété que l’immeuble était principalement à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale, ce qui privilégiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l’obligation pour le copropriétaire d’aviser le syndic de l’existence d’un bail». Rappelons que l'arrêt de 2018 portait sur une situation identique : de très nombreux lots dans l'immeuble étaient affectés à cette activité de courte durée. 

La question de l’activité meublée touristique en résidence principale ?

Sans qu'il soit possible ou opportun de généraliser les conséquences de cet arrêt à tous les immeubles compte tenu de la lecture souveraine de chaque Juge avec les circonstances de chaque immeuble, l’activité de location meublée touristique pourrait constituer un sujet dans les immeubles en copropriété. 

On peut alors s’interroger de savoir si cette interdiction trouve un sens pour un propriétaire qui exerce cette activité de type airbnb et dont le local constitue sa résidence principale ?

Pour rappel, selon la réglementation de la Ville de Paris prise en application de l’article L. 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation, le propriétaire d’un local peut l’exploiter en location meublée touristique s’il s’agit de sa résidence principale et qu’il le fait dans la limite des 120 jours par an.

Une telle exploitation, limitée à un tiers de l’année, ne nécessite pas de solliciter un changement d’usage du local. Cela signifie qu’en termes d’urbanisme, l’activité de location meublée touristique est potentiellement incompatible avec un usage d’habitation, lorsqu’il ne s’agit pas de l’occupation principale du local.

En effet, les deux tiers de l’année, il s’agit simplement d’un local à usage d’habitation sans aucune activité commerciale.

On pourrait alors s’interroger sur cette hypothèse dans le cadre de la copropriété.

Dès lors, et il s'agit d'une interrogation personnelle et propre à l'auteur, on peut  s'interroger de savoir si une activité de location meublée touristique est entièrement commerciale, que cela soit pour quelques nuits par an ou sur toute l’année ? Ou est-elle commerciale uniquement lorsqu’il s’agit de l’occupation principale du lot, à savoir plus de 120 jours par an ?

Par ailleurs, si l’exploitation limitée de son lot en Airbnb n’est pas automatiquement considérée comme commerciale, alors elle ne deviendrait plus autant incompatible avec une clause d’habitation bourgeoise, puisque l’habitation bourgeoise constituerait l’affectation principale du lot et l’activité de location meublée touristique, une affectation accessoire…

Rien n’est encore certain. Cependant, pour reprendre la jurisprudence de 2018 citée précédemment, la Cour de cassation semble particulièrement sévère à l’égard de l’activité, mais sur des situations exceptionnelles, à savoir des locations massives dans l'immeuble .

En effet en 2018, la Cour expliquait que « [ayant] constaté que M. X et la société X. J. avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans "des hôtels studios meublés" avec prestations de services, la cour d’appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l’immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».

Ainsi, par la mention de « très brèves périodes », la Cour semble indiquer que l’activité n’est pas compatible avec une clause bourgeoise justifiée par une destination bourgeoise (exclusive ou principale), même lorsque cette activité est ponctuelle.

Mais une fois encore, il s'agit d'un arrêt non publié et la Cour rappelle que la notion de destination de l'immeuble s'apprécie souverainement par le Tribunal. En l'espèce, la situation portait sur un immeuble dont l'activité de location meublée touristique était majoritaire (40 lots sur 60).

Conclusion :

Si les copropriétés disposaient déjà d’une base jurisprudentielle intéressante pour faire cesser des locations meublées touristiques incompatibles avec le règlement de copropriété, Cet arrêt récent de la Cour de cassation pourrait consolider les copropriétés soucieuses de faire valoir leurs droits en justice.

Mais attention, il s'agit d'un arrêt non publié au bulletin avec des circonstances exceptionnelles compte tenu du caractère quasi-hotelier des faits reprochés au propriétaire des 40 lots.

La lecture des dispositions du règlement de copropriété et de la notion de destination de l'immeuble ne permettent pas de généraliser une interdiction qui devrait être apprécier souverainement et au cas par cas par chaque tribunal saisi.

L'évolution de la jurisprudence sur d'autres affaires similaires et notamment de la Cour d'appel devrait apporter un éclairage intéressant.

Notre cabinet ne manquera pas d'assurer cette veille juridique et se tient à votre disposition pour examiner la compatibilité de votre règlement de copropriété avec une activité de location meublée touristique de type airbnb.



 



[1] Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis






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